Biographie

Gérard Vulliamy dans l’atelier vers 1940
Vers 1940. L’atelier du 4 Villa Saint Jacques (XIVè ardt). Sur le chevalet, une autre version de L’inaccessible et glaciale Joconde (© Archives Gérard Vulliamy).

De nationalité suisse par ses parents, Gérard Vulliamy est né à Paris en 1909 et y a toujours vécu.
Il rallie le groupe "Abstraction-Création" en 1932 et sa première exposition particulière se tient à Paris à la Galerie Pierre l’année suivante.
Vers 1934 il se rapproche des Surréalistes, qui l’invitent à l’Exposition Internationale du Surréalisme à Paris en 1938 ; de cette époque date une œuvre essentielle, abondamment reproduite dans de nombreux ouvrages consacrés à ce mouvement :
Le Cheval de Troie (1936-1937), peint sur bois avec la technique des glacis employée par les peintres de la Renaissance. Comme Gérard Vulliamy l’a expliqué, il décrit des « phénomènes d’érosion, avec une recherche d’une certaine corrélation entre les phénomènes d’érosion et les phénomènes intérieurs de l’être humain ». (1)

Resté à Paris pendant la guerre, il participe en 1941, avec quelques peintres et écrivains, à la fondation du groupe "La Main à plume", qui publie une revue semi-clandestine et diverses plaquettes (où plusieurs de ses gravures paraissent) ayant pour but de perpétuer le surréalisme en France occupée et d’y apporter certains prolongements.

En 1943 et 1947 expositions à la Galerie Jeanne Bucher et, en 1945, première rétrospective (1932-1945) à la Galerie Denise René.
Gérard Vulliamy, qui compte de nombreux poètes parmi ses amis, illustre plusieurs livres, parmi lesquels Souvenirs de la Maison des Fous (1945) et Le lit, la table (1946) de Paul Eluard, ainsi que La crevette dans tous ses états de Francis Ponge (1948). Il réalise également une série d’illustrations pour des nouvelles publiées principalement dans le journal "Action" de 1944 à 1946.

1940. Gérard Vulliamy apportant les dernières touches à La naissance de Vénus avec sa palette-coquillage (© Archives Gérard Vulliamy)
1940. Gérard Vulliamy apportant les dernières touches à La naissance de Vénus avec sa palette-coquillage (© Archives Gérard Vulliamy).

Dès 1944 on constate dans son œuvre un glissement vers l’informel. En 1948 il revient définitivement à la peinture abstraite. Analysant cette époque transitoire, il confiera plus tard à Jean Grenier :
« De mon passage dans le surréalisme je gardais la passion du dessin, de l’écriture, de la structure d’une toile et de son mouvement. Mais je pensais espace couleur à travers la leçon de mes amis aînés Villon et Delaunay. C’est ainsi que graduellement je revins à l’abstraction vers l’année 1948. » (2)

 

Gérard Vulliamy vers 1980.
Gérard Vulliamy vers 1980.

En 1952 et 1959 expositions personnelles à la Galerie Roque. Importantes rétrospectives au Musée de Darmstadt en Allemagne (1962) et au Musée Picasso d’Antibes (1978), ainsi que de très nombreuses expositions en France (Galeries Henri Benezit, Lydia Conti, Charpentier, Michèle Heyraud, etc.) et à l’étranger (Kunsthalle de Berne et de Bâle, Carnegie Institute de Pittsburg aux U.S.A., Musée de Neuchâtel en Suisse, Institut d’Art Contemporain de Londres).

La Réunion des Musées Nationaux a consacré à Gérard Vulliamy une importante monographie à la fin de 2011, dont l’auteur est Lydia Harambourg. Ce livre révèle la richesse et la diversité d’une carrière initiée au sein du mouvement Abstraction-Création, qui s’épanouit dans le Surréalisme avant de revenir, à la fin des années 1940, vers l’abstraction.

 

 

1 Jean Grenier, Gérard Vulliamy, in Entretiens avec dix-sept peintres non figuratifs, Paris Calmann-Lévy, 1963.
2 Id., ibid., p. 206.

 

Les années Abstraction-Création

1933. Fantasmagorie. Huile sur toile. 89 x 145,5 cm (coll. part. © ADAGP).
1933. Fantasmagorie. Huile sur toile. 89 x 145,5 cm (coll. part. © ADAGP).

Gérard Vulliamy commence sa carrière en 1928 et fréquente durant quatre ans l’Académie André Lhote, qui lui permet d’approfondir ses connaissances en histoire de l’art et de se perfectionner dans la pratique du dessin, en travaillant d’après le modèle vivant.
Aux côtés de Jacques Villon, d’Auguste Herbin et de Robert Delaunay, Vulliamy participe ensuite, dès 1932, à l’aventure du mouvement Abstraction-Création, fondé l’année précédente. En 1933, la galerie Pierre Loeb lui consacre, à 24 ans, sa première grande exposition personnelle, qui marque les débuts d’une carrière prometteuse.
L’année suivante Anatole Jakovski reproduit treize de ses tableaux de 1932-1933 dans son livre consacré aux cinq peintres suisses Hans Erni, Hans Schiess, Kurt Seligmann, S. H. Taeuber-Arp, Gérard Vulliamy, qui paraît aux éditions Abstraction-Création. Il inclut également une de ses œuvres dans le recueil de gravures qu’il publie en 1935 et qui réunit des artistes aussi prestigieux qu’Hans Arp, Alexander Calder, Max Ernst, Alberto Giacometti, Jean Hélion, Vassily Kandinsky, Fernand Léger, Joan Miró et Pablo Picasso.

 

1932. Mine de plomb et aquarelle. 26 x 19,3 cm (coll. part. © ADAGP).
1932. Mine de plomb et aquarelle. 26 x 19,3 cm (coll. part. © ADAGP).

Les dessins de cette période montrent l’intérêt de Vulliamy pour l’art nègre (masques, personnages fantastiques, formes organiques peuplent ses compositions). Il collabore d’ailleurs en 1933 à l’exposition "Dakar-Djibouti" au musée de l’Homme à Paris, avec Michel Leiris et Marcel Griaule. Outre l’art nègre, Vulliamy se passionne pour les tableaux primitifs italiens, et étudie au laboratoire d’analyses du musée du Louvre les techniques de préparation des panneaux de bois et la méthode des glacis utilisée par les peintres de la Renaissance, et notamment Léonard de Vinci. Une découverte qui ne sera pas sans incidence sur le développement de la seconde phase de son œuvre, l’époque surréaliste.

1933. L’oiseau-lyre. Huile sur toile. 96 x 146 cm (coll. part. © ADAGP).
1933. L’oiseau-lyre. Huile sur toile. 96 x 146 cm (coll. part. © ADAGP).

 

La période surréaliste

Le silence de la nuit
1934. Le silence de la nuit. Huile sur toile. 115,5 x 196 cm (coll. part. © ADAGP).

Le Mystère de la Nativité
1936. Le mystère de la Nativité. Huile sur bois. 33 x 41 cm (coll. part. © ADAGP).

Gérard Vulliamy se lie avec des artistes et des poètes, notamment André Breton et Paul Eluard, et s’intéresse à « l’automatisme des formes et des mouvements », cherchant dans ses œuvres à créer un espace dans lequel le mouvement le porterait « du paysage à l’intérieur des formes humaines, devenues êtres objets ou êtres végétaux, et inversement ». Il participe en 1938 à l’Exposition internationale du Surréalisme, organisée à la galerie des Beaux-Arts à Paris, où il présente deux tableaux, La Salamandre Pompéienne et Le Cygne de la Joconde.

L'univers fantastique de Vulliamy, que l’on a souvent rapproché de celui de Jérôme Bosch, apparaît aussi dans ses œuvres graphiques d’une remarquable richesse technique. Elles mêlent le fusain, la mine de plomb, le pastel, l’encre, l’huile, dans un geste à la fois très précis et très libre. Il réalise de grands dessins sur papier Canson qui sont des œuvres achevées et autonomes, comme Le sphinx (1938), Lʼinaccessible et glaciale Joconde (1938) ou Le dégel des frontières (1941), travaillés au pastel et au fusain, mais aussi de nombreux dessins préparatoires à ses peintures. LʼHommage à de La Tour ou La Mort de Saint Sébastien (1934), son tout premier tableau peint sur bois avec la technique des glacis, est inspiré du Saint Sébastien soigné par Irène de Georges de La Tour, qu’il a découvert à Paris lors de l’exposition Les peintres de la réalité en France au XVIIème siècle. (1)
1 Musée de l’Orangerie, novembre 1934-mars 1935, organisée par Charles Sterling et Paul Jamot.

1941. Le dégel des frontières. Sanguine sur papier. 39,5 x 61,7 cm (coll. part. © ADAGP).
1941. Le dégel des frontières. Sanguine sur papier. 39,5 x 61,7 cm (coll. part. © ADAGP).

1938 Le Sphinx Fusain et pastel sur papier mi-teinte 47 x 63 cm (Coll. particulière © ADAGP)
1938. Le Sphinx. Fusain et pastel sur papier mi-teinte. 46,5 x 62,5 cm (coll. part. © ADAGP).

1944. Femme couchée dans les dunes. Huile sur bois. 24,1 x 33,2 cm (coll. part. © ADAGP).
1944. Femme couchée dans les dunes. Huile sur bois. 24,1 x 33,2 cm (coll. part. © ADAGP).

 

En 1936, Gérard Vulliamy commence à travailler à l’un de ses chefs-d’œuvre, la vision hallucinatoire du Cheval de Troie (1936-1937). De nombreuses esquisses préparatoires montrent l’importance du dessin dans son processus créatif. Vulliamy travaille avec minutie chaque détail, au crayon bleu ou à la mine de plomb, construit ses architectures, développe des formes organiques enchevêtrées et invente des personnages que malmènent les éléments déchaînés. Les œuvres de cette époque témoignent, avec une extraordinaire force visionnaire, d’un monde en train de s’effondrer, avec la guerre d’Espagne qui commence et le national-socialisme qui ébranle les fondements démocratiques.

Le Cheval de Troie
Extraits de la Monographie

« En 1936 Vulliamy entreprend une peinture qu’il achèvera en 1937 […]. Le Cheval de Troie a été réalisé avec une volonté d’efficacité narrative dont l’impressionnante particularité est d’apparaître plus monumental qu’il n’est (118,5 x 158,5 cm). Reconnue aujourd’hui comme une des œuvres majeures du Surréalisme, référencée et abondamment reproduite à juste titre dans de nombreux ouvrages consacrés à ce mouvement, cette huile sur bois est un des chefs-d’œuvre de l’artiste. Il a lui-même raconté sa genèse. Alors qu’il imprimait sur plâtre une gravure, l’encre coula. Ce qu’il découvrit alors déclencha une imagination créatrice offerte comme un tremplin pour sauter dans l’irréel. […]
Le dessin montre une première vision du Cheval, ventre ouvert et renfermant une architecture à colonnes, incluant en bas Le bassin des Innocents. Il est intéressant de comparer aussi l’eau-forte datée 1937, première étape de sa pensée, à la peinture qu’il modifie à la suite d’un voyage effectué cette même année en Italie, où il a assisté à une éruption du Stromboli. Quel spectacle plus hallucinant pouvait-il lui être réservé que celui quasi apocalyptique des éléments déchaînés, au point qu’il va bouleverser la version initiale du tableau ?
La technique de la gravure qu’il a étudiée à l’Atelier 17 chez Hayter (en 1935, il participe à une exposition de groupe qui réunit ses coreligionnaires Max Ernst, Giacometti, Szenes, Yves Tanguy, Roger Vieillard …) a développé chez Vulliamy le côté analytique et descriptif du sujet. La pointe attaque le métal, dissèque le cheval, un impressionnant écorché dans la tradition des études anatomiques, détourné par un esprit visionnaire secoué par un tourment plus profond. […] Le corps rongé du cheval, mis au jour par un réseau linéaire irrégulier, se fractionne sous l’assaut d’un maillage labyrinthique, tandis que les membres s’enlisent dans des marécages hantés de poches cellulaires larvées que tentent de repousser des naufragées sur une embarcation de fortune. De retour d’Italie, Vulliamy ponce toute une partie du fond de son tableau pour réintroduire l’image du volcan et des coulées de lave en fusion.
Le Cheval de Troie devient une course à l’abîme. Une course infernale dans un monde en train de creuser ses propres gouffres. Les cavaliers de l’Apocalypse, ceux de Dürer et du Faust de Murnau, ont précédé ce galop luciférien qui réveille des profondeurs du subconscient les chimères indomptées, les mythes hallucinés d’une Histoire qui a troqué ses parures régaliennes pour des haillons incendiaires, telle la robe offerte par Médée à la jeune épouse de Jason, qui périra dévorée par les flammes après l’avoir revêtue. Avec cette plongée abyssale, Vulliamy accomplit à son tour – le sait-il ? – la plus impressionnante expérience visionnaire. […]
La scène s’embrase, l’incendie brûle, la combustion est lente, mais irréversible. Rien ne subsistera après le passage de ce météore hippologique dévastateur. La transmutation est sans appel, menée par un peintre en possession de tous ses moyens techniques. Ainsi resurgissent les drames telluriques et maritimes, les éruptions volcaniques aux raz-de-marée dévastateurs et aux turbulences géologiques, une flore et une faune inavouables parce qu’appartenant au royaume des instincts. La materia primitive enfante la vie en travaillant dans les souterrains de l’inconscient. Un paysage troglodyte a surgi d’un magma turgescent. Une vie prénatale dont les lymphes émergent du liquide placentaire s’ébroue en lamellibranches, tandis que des métazoaires s’extraient de sombres grottes. Des rafales balayent un ciel grossi de nuages, lourds de pressentiments funestes, vers lesquels tendent des tours de Babel fantomatiques. Les quatre éléments en furie, l’eau, l’air, la terre couverte d’un manteau de feu, sonnent l’hallali. Cité en feu dont Jean stigmatise la prémonitoire destinée, incendie ravageant Sodome et dont l’évocation revient chez Bosch et les Hollandais du XVIIe siècle, les Allemands de la Renaissance qui, traversant les siècles, se retrouvent chez Vulliamy. Cette fresque hallucinatoire, Vulliamy l’a peinte avec une précision stupéfiante. Il fait naître des êtres, inconnus de nous, que pourtant nous pensons connaître.
Des images d’un monde de désir et de haine se superposent. Les flux aquatiques et visqueux, les rafales sulfureuses, sont peints à l’aide de fines couches de peinture transparentes, superposées et minutieusement appliquées, qui n’ont aucun secret pour Vulliamy. Rarement un peintre, parmi ceux de sa génération, aura rivalisé avec les maîtres flamands des XVe et XVIe siècles.
La force visionnaire du Cheval de Troie a inspiré critiques et écrivains qui, chacun avec ses mots, ont exprimé l’intemporalité d’une œuvre sortant des limites de l’humain, au-delà de toute logique et toute analyse.

Pour Edouard Jaguer, « La table de dissection maldororienne s’agrandit ici aux dimensions d’une joute sans merci entre les quatre éléments et dessine un lieu à la fois clos et écartelé, qui tient de la "boîte de Pandore" à l’instant fatal de son effraction, où filent à la dérive comme sur une mer démontée chairs à l’abandon et épaves sexuelles en proie aux plus épouvantables extases. »
(Le Cheval de Troie prend le galop, in "Le Cheval de Troie (1937)", Paris, Librairie Les Mains Libres, décembre 1971).

Pour Pierre Courthion « […] Le cheval éventré sur la place, entre l’église et la mairie ; il rend la vie par toutes les coutures. Ecorchures, peau blanche sur violet évêque. […] Aimez-vous […] les écorchés à la ravigote, les filles vertes sur le radeau de flammes, le pou de sable et les orchestres qui, à minuit, dans les ossuaires raclent la chanson de Marlborough ? Il y a des yeux étrangement énuclés [sic], des rivières de chevelures, des mamelles lance-flammes, des boyaux étrangleurs, des corps de femmes volcaniques, tout un monde qui se remet à vivre subitement à la barbe de Priam et des autres. Et ce matériel d’ethnographe et de géologue : stalactites et stalagmites. Lourd passé de tables, de dolmens, de menhirs sur lequel glissent les créatures envoûtées, tout un jeu d’épines et de souffrances, des flèches de Sébastien au granit des écrasements. […] »
(Fantaisie sur trois peintres ; Troisième fantaisie : Vulliamy, in "XXè Siècle", n° 3, juillet-août-septembre 1938, pp. 43-44).

Jean Marcenac écrit dans "Les Lettres Françaises" :
« […] j’y vois surtout, aux heures qui sont les nôtres, la mise en garde, toujours actuelle, si mal entendue … Est-ce Brecht, est-ce Cassandre qui parle ? : « Le ventre est encore fécond, d’où est sortie la bête immonde. » Dans son silence, Le Cheval de Troie ne dit pas autre chose. […] Et son cri, depuis trente-cinq ans, n’a pas changé : « Hommes, dit-il, veillez sur vos murailles. »
(22 décembre 1971)

 Quant à Marcel Brion, il note de manière plus générale :
« Vulliamy, lui, a pendant quelque temps transposé l’esprit de Bosch dans le vocabulaire plastique des Surréalistes. Le Surréalisme lui a inspiré quelques-unes de ses plus belles toiles, d’une force visionnaire extraordinaire […]. »
(Art Abstrait, Paris, Albin Michel, 1956, p. 225), puis développe longuement le mythe :
« Parmi les mythes qui ont gardé toute leur vitalité ancienne et qui sont capables d’y ajouter, même, des acceptions neuves, celui du Cheval de Troie est un des plus curieux, car il associe le cheval en tant qu’animal magique et l’idée de déguisement, de masque, d’imposture. […] la violence humaine se cache dans l’innocence d’une statue de bois : il y a là les éléments d’une métamorphose qui, par ailleurs, se relie aussi aux thèmes fantastiques de la ville en flammes, des ruines, puisque, par ce stratagème, les Grecs parviennent à s’emparer de Troie et à la détruire. […]
Chez Gérard Vulliamy, […] l’animal acquiert une individualité fantastique ; […] il s’apparente […] à la famille du cheval des Triomphes de la mort. Le Cheval de Troie de Vulliamy pourrait être le frère de l’apocalyptique monture du Palazzo Sclafani, à Palerme, et nous rejoindrions alors un autre thème fantastique, celui de l’Apocalypse. […] et le tableau de Vulliamy […] en serait une des meilleures manifestations contemporaines. »
(Art Fantastique, Paris, Albin Michel, 1961, pp. 257-258)

Le tableau connaît une postérité qui le place parmi les œuvres maîtresses et incontournables du surréalisme.
Il fut exposé pour la première fois en France pendant la guerre à la galerie Jeanne Bucher, du 29 mai au 13 juin 1943, bravant les Allemands qui qualifiaient cet art de "dégénéré".

Le Cheval de Troie (1936-1937)
1936-37. Le Cheval de Troie. Huile sur bois. 118,5 x 158,5 cm (coll. part. © ADAGP).

 

Le retour à l’art abstrait

Autour de 1945, Vulliamy abandonne peu à peu le surréalisme pour revenir à l’art abstrait. Son œuvre est alors pleinement reconnue et fait l’objet de nombreuses expositions, notamment dans les galeries parisiennes les plus influentes de l’époque, Jeanne Bucher (où il est préfacé par Francis Ponge en 1948) ou Denise René. Vulliamy s’inscrit dans les tout débuts de l’Abstraction Lyrique, comme en témoigne sa participation en décembre 1946 à l’exposition « L’Imaginaire » à la Galerie du Luxembourg, organisée par le jeune peintre Georges Mathieu et qui signe les débuts officiels du mouvement (avec Arp, Atlan, Brauner, Hartung, Mathieu, Picasso, Ubac, Wols).
Durant cette période Vulliamy fréquente beaucoup Picasso, travaillant notamment la poterie à Vallauris ou participant aux expériences photographiques de Gjon Mili. La belle série de dessins qu’il réalise en 1945-1946 pour Le lit, la table de Paul Eluard est d’ailleurs marquée par cette influence. Il compose aussi des sculptures à partir de fragments ramassés sur les plages. Ses tableaux sont construits par la couleur même, la pâte est épaisse. Membre du groupe Allianz, il expose fréquemmment en Suisse. A Paris il participe au Salon des Réalités Nouvelles en 1948 (il sera Membre du Comité de 1956 à 1969) et au Salon de Mai de 1950 à 1958.

A l’abstraction lyrique – qui prendra de nombreuses formes dans cette œuvre en perpétuelle évolution – succèdera dans la seconde moitié des années 1970 un retour à l’esprit d’Abstraction-Création. Ses toiles se peuplent de personnages mi-hommes mi-bêtes et l’on y voit resurgir des masques, des totems, sa passion pour les arts primitifs. La boucle est bouclée. Vers la fin des années 1980, Vulliamy commence à perdre la vue et s’arrête de peindre.

 

1951. Huile sur toile. 80,8 x 115,7 cm (coll. part. © ADAGP)..
1951. Huile sur toile. 80,8 x 115,7 cm (coll. part. © ADAGP).

3-1949. Huile sur toile. 90,5 x 71,5 cm (coll. part. © ADAGP).
3-1949. Huile sur toile. 90,5 x 71,5 cm (coll. part. © ADAGP).

1969. Huile sur papier. 69 x 49 cm (coll. part. © ADAGP).
1969. Huile sur papier. 69 x 49 cm (coll. part. © ADAGP).

1987. Huile sur toile. 100 x 81 cm (coll. part. © ADAGP).
1987. Huile sur toile. 100 x 81 cm (coll. part. © ADAGP).

 

La gravure et l’illustration

Excellent dessinateur, Vulliamy est aussi un remarquable graveur. Il travaille tout d’abord, jusqu’en 1939, chez Stanley-William Hayter (le fameux "Atelier 17"), puis chez Albert Flocon, qui saluera son talent dans l’article LʼÉloge du burin, rédigé en 1950 pour la revue "Art d’aujourd’hui" : «[ …] le burin est le moyen le plus rigoureux […] Chaque trait doit exactement s’insérer dans l’ensemble. Ce temps matériel qui s’accumule lentement dans le diagramme de la planche gravée, ce rythme à longue haleine, est une des qualités essentielles du burin […]  ».
Il illustre volontiers les textes de ses amis écrivains et poètes, qui ne cessent de le solliciter. Rappelons notamment les portraits poignants qu'il réalise pour Souvenirs de la maison des fous de Paul Eluard en 1945 et les magnifiques burins de La Crevette dans tous ses états de Francis Ponge.

 

1935. Hommage à de La Tour ou La Mort de saint Sébastien. Gravure originale. 12,5 x 17,5 cm (coll. part. © ADAGP).
1935. Hommage à de La Tour ou La Mort de saint Sébastien. Gravure originale. 12,5 x 17,5 cm (coll. part. © ADAGP).

1937. Gravure originale du Cheval de Troie correspondant au 1er état du tableau. 18,5 x 27,3 cm (coll. part. © ADAGP).
1937. Gravure originale du Cheval de Troie correspondant au 1er état du tableau. 18,5 x 27,3 cm (coll. part. © ADAGP).

 

Il grave également d’après certains de ses tableaux : Hommage à de La Tour ou La Mort de Saint Sébastien, La trompette de Jéricho (1935), Le Mystère de la Nativité (1936) ou Le Cheval de Troie (1937). D’autres ne sont pas liées à des peintures. Ainsi de La Crucifixion d’après Grünewald (1941), des Tentacules (1949), ou des illustrations créées durant la Seconde Guerre mondiale pour la revue " La Main à plume " et pour le journal " Action ".

1941. Crucifixion d’après Grünewald. Gravure originale. 9,7 x 13,6 cm (coll. part. © ADAGP).
1941. Crucifixion d’après Grünewald.Gravure originale. 9,7 x 13,6 cm (coll. part. © ADAGP).

1945. Dessin original de Gérard Vulliamy pour le premier portrait illustrant Souvenirs de la maison des fous de Paul Eluard (coll. part. © ADAGP).
1945. Dessin original de Gérard Vulliamy pour le premier portrait illustrant Souvenirs de la maison des fous de Paul Eluard (coll. part. © ADAGP).

 

Publications récentes

  • • Jean Grenier, Entretiens avec dix-sept peintres non-figuratifs, Romillé, Ed. Folle Avoine, 1990, pp. 143-150.
  • Gérard Vulliamy, par Lydia Harambourg, Editions de la RMN-Grand Palais, Paris 2011, 262 pp., 251 illustrations, relié, 40 €.
  • • Paul Eluard, Souvenirs de la maison des fous. Dessins de Gérard Vulliamy. Réédition. Seghers, 2011
    (avec une post face et des dessins inédits), 30 Є.

 

 

 

Le Monde | 16.03.2012 . | Par Harry Bellet
Le Monde | 16.03.2012 . | Par Harry Bellet

 

CATALOGUE RAISONNÉ EN PRÉPARATION
Veuillez nous signaler les tableaux, dessins ou sculptures de Gérard Vulliamy en votre possession, en joignant si possible une photo, les dimensions, la date, le médium (et éventuellement le numéro encerclé figurant au dos des tableaux). Please tell us about paintings, drawings or sculptures by the artist that you may have. If possible, please send us a photograph, the dimensions, the date, the medium (and eventually the circled number at the back of the paintings).